Débuter dans l’élevage de volailles
Se lancer dans l’élevage de volailles demande réflexion. Interview de deux agriculteurs jurassiens qui ont franchi le pas, l’un avec un Système de stabulation particulièrement respectueux des animaux (SST), l’autre avec un élevage en plein air selon Bio Suisse. Ils expliquent leur choix, comment la transition s’est produite, les défis qu’ils ont dus relever.
Sébastien et Joëlle Eicher, également parents de deux enfants de 15 et 12 ans, ont une ferme Bio Suisse de 47 ha à Corban dans le Val Terbi. Ils ont 80 vaches (vaches mères et engraissement), des céréales et des fruits. Depuis 2017, ils ont installé six cabanons de 30 m2 chacun, contenant 2600 poulets au total. Ils y consacrent deux ha de leur domaine.
Quel système avez-vous choisi et pourquoi?
MM: Avec notre domaine morcelé, je n’étais pas prêt pour le Bio. J’ai donc choisi le système SST. L’avantage est que tout est automatisé, le réglage des températures est aisé, et il y a moins besoin de surface au sol. (ndlr Pour installer un poulailler en SST Bell demande que le développement interne conformément à l'article 16a de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire puisse être réalisé ; il est possible que deux producteurs s’associent). Côté bien-être animal, les poules ont un jardin d’hivers avec lumière du jour et température ambiante. Comme on a beaucoup de poulets, un problème sanitaire peut s’avérer catastrophique.
SE: Nous avons opté pour le Bio car nous avions décidés de certifier toute la ferme en Bio. Dès le début, nous avons touché le prix Bio, alors que l’on était encore en reconversion. L’ancienne étable est devenue notre poussinière. Il faut que les poulaillers soient proches de la ferme, car il faut contrôler que le renard ou des rapaces ne viennent pas piller nos poulets. Notre voisin utilise aussi se système, alors on se coordonne pour les livraisons de poussins et le départ des poulets.
MM: Chez nous une série dure 30-36 jours. On nous amène les poussins. Il faut les laisser grandir en adaptant la température, environ 33°, et en baissant au fur et à mesure pour les adapter à la température extérieure. A la fin du cycle, un camion vient rechercher les poulets. J’engage des gens pour nous aider ce jour-là. Ensuite il faut nettoyer toutes les installations. On peut récupérer l’engrais pour le mettre dans les champs ou nous apportons le fumier à l'usine de biogaz voisine.
SE: Pour nous la série dure 63 jours. Une fois sortis de la poussinière, on peut adapter la température en ouvrant et fermant une fenêtre. J’ai installé un ventilateur, et on chauffe un peu l’hivers. L’été la chaleur peut aussi les déranger. Une fois le cycle terminé. Je dois déplacer les cabanons d’environ 3,6 t. sur un autre terrain. On fait un tournus sur les sols. Des gens viennent aussi nous aider pour le chargement final. C’est convivial, on fait un repas. Les occasions de se retrouver sont rares, alors on en profite.
Quelles ont été les difficultés?
MM: Obtenir le permis de construire a duré deux ans et demi. Comme on est un canton à vaches, l’aménagement du territoire a été très méfiant. Mieux vaut s’y prendre à l’avance. Au niveau communal, des groupements de personnes soucieuses du bien-être animal et de durabilité m’ont contacté et menacé de faire opposition. Mais en discutant, en présentant des arguments et en expliquant bien ce que j’allais faire, ils ne l’ont pas fait.
SE: Pareil pour le permis de construire, mais cela n’a pris qu’une année.
Avez-vous eu des craintes par rapport à l’odeur du lisier de poulet réparti sur les champs?
SE: Oui, car il contient plus d’ammoniaque et sent donc plus fort. Mais je n’ai pas eu de problèmes.
MM: Je l’ai d’abord mis sur des champs éloignés pour voir si je sentais quelque chose. Et j’allais demander au village de me dire s’il y avait un problème. Je m’engage aussi à ne pas en déverser n’importe quand n’importe comment. Si on le traite via du biogaz, il perd de l’odeur, mais des propriétés aussi.
Avez-vous des possibilités d’expansions?
SE: Non, nous sommes au maximum de la production. Plus deviendrait difficilement gérable dans le contrôle d’hygiène.
MM: Bell ne veut pas de poulaillers plus grand. Mais je suis prêt à poursuivre le développement de la production SST avec Bell.